Les drones de Gamaya ont pris de la hauteur grâce aux satellites
Pour accroître l’efficacité de l’agriculture, la start-up née à l’EPFL a élargi son champ de vision en passant par l’espace.
Gamaya a franchi un cap cette année. L’entreprise née d’un projet de recherche à l’EPFL en 2015 surveille désormais plus de 1 million d’hectares de cultures dans le monde. Ce saut est significatif pour la start-up. Très en vue il y a deux ans, lorsqu’elle a levé quelque 12 millions de francs, elle a évolué lors de ce passage de la recherche à la phase commerciale. Les drones des débuts, qui promettaient une surveillance de l’état des cultures grâce à une minicaméra hyperspectrale, ont vu leur activité complétée par l’usage de satellites.
Pourquoi prendre une telle hauteur pour surveiller des champs? L’ambition de départ de Gamaya est d’optimiser l’agriculture. Son fondateur, Yosef Akhtman, avait développé une petite caméra couvrant un large spectre d’ondes. Embarquée à bord d’un drone, la caméra permet d’analyser une parcelle: croissance des cultures ou des mauvaises herbes, maladies ou autre anomalie… Tout semble laisser une trace, même invisible à l’œil nu.
Le travail revient ensuite aux logiciels, qui interprètent ces images pour les agriculteurs. Ces derniers y trouvent un avantage en termes d’économie de produits phytosanitaires tout en améliorant les rendements. La précision de cette technologie permet également l’automatisation des cultures.
«Ces deux dernières années, nous nous sommes focalisés davantage et avons pris le temps de développer deux grandes familles de produits.»
Thomas Peyrachon, directeur commercial de Gamaya
Chaque plante ayant ses spécificités, c’est dans la canne à sucre et le soja que Gamaya s’est spécialisée. Et ce sont les grands producteurs du Brésil qui ont constitué le premier marché de la petite entreprise. Elle en compte une vingtaine, dont certains exploitent plus de 100’000 hectares. En Inde, c’est le géant Mahindra qui a permis à Gamaya de s’installer. Enfin, l’entreprise célèbre son premier client aux États-Unis.
«Il y a trois ans, nous avions de nombreuses idées et projets au stade de développement sur différentes cultures et problématiques agronomiques, évoque le directeur commercial, Thomas Peyrachon. Ces deux dernières années, nous nous sommes focalisés davantage et avons pris le temps de développer deux grandes familles de produits.» Cette phase de changement s’est concrétisée par une nette réduction de la part dédiée aux drones. De 35 employés, l’entreprise n’en compte plus que 25.
Sur des cultures s’étendant à perte de vue, comme c’est le cas au Brésil, le déploiement d’un drone a trouvé ses limites. «Les caméras hyperspectrales que Gamaya a développées nous ont permis de prendre de l’avance sur l’analyse des images, assure Thomas Peyrachon. Nous avons pu développer des capacités d’analyse qui s’appliquent désormais non seulement aux images de drones mais aussi aux images satellites. Ça nous permet d’apporter des solutions complètes pour l’agriculture, tant au niveau macro d’une exploitation qu’au niveau micro d’une parcelle ou d’un groupe de plantes.» La part des images satellites représente désormais «une place majeure» au sein de l’entreprise.
Si le Covid a eu un impact sur les activités de Gamaya, cette crise a aussi provoqué une prise de conscience chez les producteurs et les clients. La numérisation fleurit aussi dans l’agriculture. «À partir de nos analyses d’images et de nos modèles agronomiques, nous pouvons fournir un premier niveau de diagnostic sans avoir à se déplacer», dit le directeur.
Désormais, la phase commerciale de Gamaya poursuit son développement. «En janvier, nous lancerons une nouvelle solution de détection de la floraison, annonce le directeur commercial. Les producteurs de canne à sucre veulent éviter l’apparition de ces fleurs pour favoriser la production de sucre. Grâce à notre service, ils pourront les détecter avant qu’elles ne soient visibles à l’œil.»
Bonnes pratiques à certifier
Reste que l’avenir à moyen terme de la société est encore à écrire. Certes, les résultats des analyses semblent satisfaisants. Mais, même au Brésil où l’agriculture à large échelle est développée, la révolution numérique prend du temps pour s’installer dans l’ensemble de la filière. Alors les dirigeants de Gamaya phosphorent: «Nous souhaitons aller beaucoup plus loin pour fournir des solutions applicables à d’autres cultures, notamment pour le suivi et la certification des bonnes pratiques agricoles à large échelle, qui permettront d’améliorer les productions tout en optimisant l’utilisation des ressources et en limitant l’impact environnemental de ces activités».
La certification, par le biais des images satellites, semble être une piste sérieuse pour Gamaya. Les consommateurs veulent en effet toujours plus s’assurer de ce qu’ils ont dans leur assiette. Avec un objectif aussi global, Gamaya recherche de nouveaux investisseurs. Un nouveau virage se profile en effet, selon Thomas Peyrachon: «L’an prochain, nous serons sans doute à un tournant. Nous avons deux scénarios qui évoquent soit une nouvelle levée de fonds, à moins que notre intégration à une grande structure se profile. Ce qui ferait sens, puisque des géants tels que Microsoft ou Google ont aussi investi ce secteur.»
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